Devenir sourd grâce aux live houses – Le Motion de Shinjuku

Les live houses japonaises, j’en ai entendu parler la première fois dans le manga Beck, que vous feriez mieux de lire au lieu de lire ce blog. N’ayant pas vécu dans d’autres très grandes villes, je ne sais pas si ça existe ailleurs, sous cette forme. Il s’agit de minuscule salles de concert, qui peuvent se trouver à n’importe quel étage de n’importe quel petit immeuble plus ou moins miteux.

On a testé le Motion de Shinjuku, parce que c’est pas loin de chez nous, et parce qu’en regardant la programmation, ça semblait plutôt orienté rock (oui parce qu’attention danger : il y a des live houses spécialisées dans le jazz, méfiez vous).

Première chose surprenante : pratiquement toutes les soirées concerts des live houses commencent tôt, autour de 18h ou 19h. Etrange pour un pays réputé pour ses horaires de travail tardifs. A peu près tous les jours, on trouve donc une soirée avec généralement 4 ou 5 groupes qui jouent chacun autour de 30 minutes.

Ce soir là au Motion, quatre groupes bien entendu totalement inconnus de nous. Ca commence à 19h30. On arrive vers 20h34 (environ) parce qu’on avait faim (et aussi parce que quand tu es français, tu n’arrives pas à l’heure). Le Motion se trouve au 4ème étage d’un petit immeuble, parfaitement encerclé d’autres petits immeubles remplis de trucs mystérieux aux enseignes parfaitement obscures pour les non japanophones que nous sommes. Les portes de l’ascenseur s’ouvrent sur un petit hall, avec une fille assise derrière une petite table. Pas un bruit. On est bien au bon étage ? Les affiches nous disent que oui. La fille nous explique le prix et la formule, on comprend grosso modo que ça coûte 2600 yen par personne, que ça inclut une boisson, et que ça finit à 22h.

Une porte noire est la seule issue autre que l’ascenseur. Ca doit être là. On pousse la porte. Un sas, et toujours globalement peu de bruit. C’est pas commencé ou quoi ? On tire la deuxième porte, et là :

  • On regrette immédiatement de ne pas avoir pensé aux protections auditives
  • On réalise qu’on est bien au bon endroit
  • On remarque que les Japonais sont nuls en isolation thermique mais bons en protection acoustique (quand ils veulent)

Sur la minuscule scène, une fille armée d’une sorte de synthé hurle dans un micro. Le volume est bien trop élevé pour que ce soit agréable. Elle (ou son synthé) produit parfois des sons très aigus. C’est visiblement un concept de musique volontairement désagréable et agressif. Heureusement pour nous, c’est son dernier morceau ; elle finit sur une explosion de pétard. Le son fait place à un silence reposant.

Dans la salle, une douzaine de personnes tout au plus. Dans un coin, la minuscule régie son et lumière. Dans un autre, le minuscule bar qui propose divers cocktails. Un troisième coin caché par un rideau accueille une étagère-vestiaire. Sur un des murs, les groupes passés ici on laissé un sticker avec leur nom et leur date de passage. Quelques groupes sont visiblement des habitués des lieux, comme un certain House in Palais. Ca sent la clope, parce que contrairement à la France, le Japon n’interdit pas la cigarette dans les lieux publics (en fait c’est à peu près le seul endroit où on peut fumer, puisque c’est interdit dans la rue).

https://www.instagram.com/p/BPKhDXEgcBG/?taken-by=docchewbacca

Le groupe suivant s’installe. Basse, batterie, guitare, ça s’annonce plus classique et sans doute plus intéressant. Balance rapide. Le guitariste joue beaucoup trop fort. Le techos de la salle lui fait signe de monter encore un peu le son sur l’ampli. Cool, on va être sourds. Le groupe s’appelle Neonrocks, un trio de quarantenaires (en apparence, ce qui signifie qu’en réalité ce sont des cinquantenaires, technologie japonaise anti-vieillissement). Des compos rock avec quelques ingrédients de funk. C’est pas mal. Le bassiste joue bien, et chante. La guitare est un peu faiblarde puisque nos tympans ne saignent pas, il faudrait monter encore un chouia et jouer plus saturé.

Next. Reconfiguration de la batterie pour changer cymbales, toms et caisse claire. On réalise que sur la douzaine de personnes présentes, trois constituent ce dernier groupe. En fait, à part nous, 2 ou 3 passants, la fille du bar et le mec de la régie, il n’y a donc personne dans cette salle hormis les membres des groupes. N’ont ils pas d’amis ou de famille pour venir les voir jouer ? Etrange. Ah si, je sais : ils sont encore au travail.

Y a pas foule…

Le groupe s’appelle Zazo, et joue un mélange de rock et d’électro, composé d’une batterie surpuissante (avec un batteur chevelu qui ressemble plus à un guerrier mongol qu’au salaryman japonais moyen), d’une voix (celle du batteur) trafiquée pour faire plus robotique, et deux espèces de synthés (en fait, des assemblages de machins électroniques avec des boutons). C’est très japonais, et c’est pas mal du tout (extrait Soundcloud ci-dessous). Un net cran au dessus des groupes précédents.

https://www.instagram.com/p/BPKroitgQg8/?taken-by=docchewbacca

La dernière note retentit, le groupe salue, je regarde ma montre, il est 21 heures, 59 minutes et 50 secondes. Ah ben on nous avait prévenu : ça finit à 22h, et les Japonais sont ponctuels, même dans les obscures live houses rock de Shinjuku.

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